LOINTAIN TU T'APPROCHES

Lointain tu t'approches

Alors que je me tiens

ongles serrés au poing

Caillou blanc de mon rêve

impatiente

Jusqu'au sang

Alors que je retiens

De mes seins le lait

Prête à concevoir

Prête à recevoir

La vie - Cette vie

Qui ne m'intéresse pas

Cette idée précise du devoir

Les heures fixes, les repas

La fête, les gens, les amis,

Les collègues à ne pas décevoir,

Les conflits d'intérêt, les succès,

Les dimanches, les achats,

Les passions illusoires

L'amour, l'amour

Je n'en garde que le gras

Naviguer me rendra la victoire

Les rires de rien

L'enfance

L'ennui

Les farces

Les puits sans fonds

Les trajectoires éparses

La vraie vie

Mais c'est déjà la mort

On l'attrape par les cheveux

À côté d'elle on dort

On respire son ennui

Une perruque humide

Mensonge

Fantasme,

La vraie vie n'existe pas

Et la terre n'est pas ronde

Cadran, vaisselle, repas,

Lointain tu t'approches

Orion, Jupiter

Mercure dans mes bras

L'horizon m'a voulue sans mesure

à l'envers

Et m'a fait recracher ma victoire étouffée

Persévère persévère

Respire

Lointain tu t'approches

Alors qu'il n'est jamais rien arrivé

Et qu'il n'arrivera rien

Je veux des matins

qui n'en finissent plus

J'ai une feuille dans ma poche

Un poème plié en quatre

Dégueulasse et jauni

Les mots

N'ont aucune parole

Ne compte pas sur eux

Car le lointain est folle

Le pays d'où l'on ne revient pas

Je passe la petite porte

J'entre, j'hésite, je recule

Je m'avance, je me jette,

Je me lance, je m'affale

Au fond de la matrice

L'océan chaud et rond

Des mots

Noire

Comme du coton

Immense, impénétrable

Vierge tentaculaire

Les recoins inavouables

Les non-dits, les trop haut

Les mots

Le port de Malte, l'orge doux

Sous le soleil aveugle

Éclate mes cheveux roux

Quand Le vaisseau arrive

Étendue sur le sol

Toutes voiles

Écartelée et molle

Sur la mer d'huile

Je navigue, je divague

Je m'extasie sur les vagues

Moi la mise de côté

Écartelée,

Entre désir d'amour et folie d'enfanter

Des mirages

Les mots sont un passage

vers d'inutiles sommets

Les plus beaux,

les plus beaux.